Pour satisfaire au principe de la présomption de responsabilité qui leur est imposé sur une durée de 10 ans incompressibles, les professionnels du bâtiment au profil de constructeurs sont tenus de souscrire une assurance décennale.
Pour divers motifs, ce contrat peut être résilié. Voici comment, et suivant quelle procédure.
Portrait tiré de la garantie décennale
Tout professionnel du bâtiment, qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale, est légalement tenu de souscrire une assurance décennale. L’assurance décennale du constructeur, aux côtés de l’assurance dommages ouvrage du maître d’ouvrage, a été instaurée par la loi Spinetta en 1978. Cette dernière reconnaît la responsabilité du constructeur en cas de dommage impactant la solidité de l’ouvrage, ses éléments indissociables, ou le rendant impropre à sa destination, et ce sur une durée de dix ans à réception des travaux de gros œuvre et de second œuvre sur une construction, rénovation, extension, etc.
Parmi les professionnels du bâtiment, on citera évidemment les artisans comme les électriciens, les maçons, les plombiers, les charpentiers, les menuisiers, etc., mais également les intellectuels tels que les courtiers, les maîtres d’œuvre, les architectes, ou encore ceux de la branche commerciale comme les promoteurs immobiliers ou encore les lotisseurs. En bref, tout professionnel au profil de constructeur, intervenant sur l’ouvrage, qu’il s’agisse de sa conception en bureau d’étude, de sa construction ou de sa commercialisation, est tenu d’être assuré par une décennale.
La responsabilité du constructeur peut être engagée en cas d’erreur, de faute, de malfaçon, ou d’omission. Selon son intervention et le chantier concerné, les conséquences peuvent être importantes, et venir remettre en cause les fondations de l’ouvrage, ou sa finalité. C’est pourquoi souscrire une assurance décennale, au-delà d’être obligatoire, est absolument indispensable.
Dans quels cas le professionnel peut-il résilier son assurance décennale ?
Le professionnel assuré peut évidemment décider de résilier son assurance décennale, s’il vient à dénicher un contrat bien plus compétitif chez un assureur concurrent par exemple. Toutefois, dans ce cas, et donc sans autre motif apparent que la recherche d’un contrat moins onéreux, la résiliation pourra intervenir à date anniversaire du contrat, en respectant un préavis de 2 mois.
Point de vigilance : Attention toutefois, en souhaitant minimiser la couverture pour payer moins cher d’assurance, à ne pas brader la garantie de sa responsabilité. L’auto-entrepreneur joue là la pérennité de son activité, qui est déjà un parcours du combattant à établir, et qui demande un investissement personnel et de nombreux sacrifices, notamment de temps, pour démarcher des prospects et se faire son réseau, mais aussi continuer à se former, s’approvisionner en matériel et équipements, etc. Les assurances protègent les professionnels, qui ne sont nullement à l’abri d’une erreur, d’une malfaçon parfaitement involontaire, favorisée par un emploi du temps chargé, des chantiers qui ont pris du retard, une météo défavorable, un état des lieux imprévu, etc.
Trois autres situations peuvent être rencontrées par le professionnel, qui l’autoriseront alors à résilier son contrat lorsque cela est rendu nécessaire, sans devoir respecter cette date anniversaire (mais le préavis, oui) :
- Le développement d’une nouvelle activité qui ne serait pas encore couverte par le contrat actuel. Dans ce cas, il est possible d’augmenter ses garanties sur son contrat actuel, ou de préférer le résilier pour solliciter la concurrence et souscrire un contrat plus adapté;
- Les effets d’une augmentation significative du chiffre d’affaires. La cotisation d’assurance décennale est en partie fixée selon le chiffre d’affaires de l’entreprise. Si celui-ci augmente, l’assureur augmentera alors le coût de la prime mensuelle d’assurance, pour couvrir un risque jugé plus élevé. Le professionnel est alors en droit de préférer résilier son contrat d’assurance si l’augmentation tarifaire ne convient pas;
- La cessation d’activité suite à une liquidation judiciaire ou une vente, qui entraîne alors évidemment une résiliation de contrat d’assurance décennale.
L’assureur peut-il décider de résilier l’assurance décennale de l’assuré ?
Il est en effet tout à fait possible que l’assureur décide de résilier le contrat du professionnel assuré. Rassurez-vous, cela ne peut intervenir que dans certains cas particuliers, qui s’entendront parfaitement :
- En cas de non-paiement de la prime d’assurance : L’assureur enverra un courrier de mise en demeure de s’acquitter du paiement dû dans les 10 jours suivants la non-honorabilité de la cotisation. Sans réponse, l’assureur résiliera alors le contrat en cours, et les garanties seront suspendues. Dans ce cas malheureusement, il sera bien difficile pour le professionnel de trouver un nouvel assureur prêt à couvrir son activité, ou bien avec des cotisations majorées;
- En cas de forte sinistralité : L’assureur couvre un risque. Si les travaux garantis sont trop souvent soumis à prise en charge par l’assureur (défaut, malfaçon, omission, erreur), il peut décider d’abord d’augmenter les cotisations sur un format malus, voire de le résilier;
- En cas de fraude à l’assurance : Il s’agira ici d’avoir menti à l’assureur pour profiter d’une cotisation moins élevée, pour un risque couvert plus important. Il peut s’agir d’une sinistralité cachée, d’une activité en partie non déclarée, ou toute autre interprétation détournée de la vérité. Lorsque l’assureur s’en aperçoit, le contrat est automatiquement déclaré nul, puisque conclu sur des faits erronés. Le professionnel peut ici risquer une lourde amende, voire même une peine de prison selon la nature de la fraude;
- En cas de liquidation de l’assureur : Il se peut que l’organisme assureur se trouve en liquidation judiciaire, auquel cas le contrat sera résilié dans les 3 mois suivant le début de la procédure collective. Le professionnel devra rapidement trouver un nouvel assureur pour couvrir son risque professionnel.
Quelle est la procédure de résiliation d’une assurance décennale ?
Avant de résilier, il faudra veiller à souscrire un nouveau contrat pour ne pas connaître de période sans couverture d’assurance. Il conviendra donc d’étudier son contrat actuel pour miser sur l’équivalence de garanties, ou mieux cerner ses besoins. Précisons que le défaut de paiement de sa cotisation actuelle d’assurance ne vaut pas résiliation. S’il entraînera en effet la résiliation du contrat par l’assureur, il entraînera également une vraie difficulté à retrouver un assureur prêt à couvrir l’activité, et une majoration certaine de sa cotisation mensuelle, ou une modification des conditions d’assurance.
Pour que la demande de résiliation soit prise en compte, un préavis de deux mois devra être respecté, et la demande devra être envoyée à l’assureur par voie postale, en courrier recommandé avec accusé de réception. La date d’anniversaire du contrat est stipulée sur l’attestation d’assurance, ou directement sur le contrat signé. Précisons que le courrier de demande de résiliation devra être accompagné des éventuels justificatifs, selon le motif qui entraîne la résiliation.
Notons enfin que le courrier de demande de résiliation devra intégrer quelques éléments indispensables pour être jugé recevable, à savoir :
- Les coordonnées de l’entreprise assurée;
- Les coordonnées de l’assureur;
- Les références du contrat en cours;
- La date d’échéance du contrat en cours;
- Le motif de résiliation.
Quels sont les risques pris par le professionnel en cas de défaut d’assurance décennale ?
Si la résiliation est rendue possible, insistons bien sur le fait qu’elle doive accompagner la souscription d’un nouveau contrat pour respecter l’obligation légale d’assurance du constructeur. Le défaut d’assurance décennale ne peut pas être lié à un simple oubli ou à une mauvaise compréhension ou interprétation des obligations légales. Tout constructeur est bien conscient de cette obligation d’assurance. Aussi, aucune clémence n’est accordée au fraudeur qui aura fait le choix délibéré de s’en affranchir. Il risquera alors une peine civile par une amende pouvant aller jusqu’à 75 000 € si le constructeur a volontairement caché son défaut d’assurance et voulu tromper le client par la présentation d’un faux, par exemple. Il risquera également une peine civile pouvant aller jusqu’à 6 mois d’emprisonnement.
Ajoutons à cela l’engagement de la responsabilité personnelle du constructeur. Aussi, celui-ci devra indemniser la victime à hauteur de la sanction que le tribunal d’instance aura décidé d’appliquer. L’indemnisation pourra être ponctionnée sur les fonds propres du constructeur. Par exemple, l’hypothèque de sa maison pourra être engagée s’il ne parvient pas à indemniser la victime. C’est donc un enchaînement de frais qui pourront contraindre le constructeur à cesser son activité, et à s’endetter personnellement. Mieux vaut donc préférer être en parfaite conformité avec la loi.
Résilier sa garantie décennale : comment étudier la compétitivité de son contrat ?
Sauf cessation d’activité, la résiliation du contrat de garantie décennale est corrélée à la souscription d’un nouveau contrat. Il convient alors d’étudier la compétitivité des contrats actuellement sur le marché, pour souscrire au plus intéressant selon sa propre situation. Intéressons-nous d’abord au coût. Il variera d’un professionnel à l’autre. Difficile donc de donner des estimations, mais déterminons ensemble les sept éléments qui impactent le calcul du coût d’une assurance décennale :
- Le statut du constructeur: Une société paiera plus cher qu’un autoentrepreneur;
- L’effectif de l’entreprise, dont la taille fera augmenter le coût de l’assurance;
- Le chiffre d’affaires, nous le citions précédemment;
- L’expérience et l’ancienneté du constructeur: Plus il est jeune et novice, plus le risque est important, du moins aux yeux de l’assureur;
- La sinistralité éventuellement connue du professionnel, et la sinistralité générale établie par des ratios de risques sur ce type de métier;
- La nature de l’activité principale, ou plus exactement le gros œuvre dont l’assurance sera plus onéreuse, puisque le risque pris en cas de sinistre coûtera plus cher à l’assurance;
- Les garanties souscrites, qui feront évidemment évoluer le tarif d’assurance, comme par exemple la protection juridique, ou la multirisques professionnelle.
Egalement, selon le risque qu’il estime prendre, tout en tentant de rester compétitif, l’assureur pourra moduler le montant des franchises en cas de dommage, laissant parfois un reste à charge important au constructeur. Il peut également moduler les plafonds d’indemnisation en les abaissant davantage pour diminuer le tarif de l’assurance. En cas de sinistre, le constructeur conservera alors à sa charge tout dépassement, ce qui peut rapidement devenir source d’endettement.
En bref, le coût de l’assurance décennale doit se penser dans sa globalité, en tenant compte de la cotisation mensuelle, mais aussi des conditions d’indemnisation, pour souscrire une couverture optimale.
Résilier sa garantie décennale au profit d’un contrat multirisque professionnel
La garantie décennale n’est pas la seule assurance que le constructeur est tenu de souscrire. Il devra notamment en souscrire obligatoirement deux autres :
- La garantie de parfait achèvement : C’est une assurance obligatoire qui couvre l’ensemble des dommages, défauts et malfaçons relevés dans le procès-verbal, quels qu’ils soient, durant l’année suivant la livraison des travaux. Elle protège le client contre les malfaçons;
- La garantie biennale : Autrement appelée garantie de bon fonctionnement, elle garantit l’ensemble des équipements fournis à la livraison, dissociables d’un ouvrage durant les deux ans suivant la réception des travaux (revêtements de sol, portes, revêtements muraux, ou encore appareils électriques, etc.).
Ils peuvent également faire le choix, de manière volontaire donc, sans obligation, de souscrire une assurance construction avec responsabilité civile d’exploitation, une assurance transport, la protection juridique, ou encore une assurance responsabilité civile professionnelle, aussi appelée RC Pro, qui, bien que facultative, s’avère pourtant indispensable au professionnel, puisqu’elle couvre l’ensemble des dommages corporels, matériels ou immatériels occasionnés à des tiers en exerçant l’activité ou après livraison de produits se révélant défaillants.
Le professionnel peut alors préférer souscrire une assurance multirisque spécifique au BTP, ce qui lui permet de regrouper toutes ces assurances sous un seul contrat, avec un seul assureur, et ainsi de profiter d’un tarif plus compétitif, et/ou de conditions d’assurance plus intéressantes.
L’aide des professionnels pour souscrire un nouveau contrat d’assurance décennale
Il est vivement conseillé de simuler des demandes et de comparer au moins deux offres d’assureurs différents en posant les mêmes critères. Pour ce faire, deux outils numériques peuvent être de bons atouts :
- D’abord, le simulateur en ligne, proposé par chaque assureur. Il est parfois possible de contracter son assurance directement en ligne suite à l’offre proposée par le simulateur si elle convient aux attentes. Un conseiller peut vous appeler pour vous fournir davantage d’éléments de compréhension si nécessaire. Les simulateurs sont idéaux lorsque d’autres assurances professionnelles sont déjà contractées auprès d’un même assureur, pour profiter d’un tarif « package »;
- Egalement, le comparateur en ligne, qui proposera un comparatif de plusieurs offres d’assureurs différents proposant des conditions similaires. Certains peuvent établir un classement plaçant en tête le contrat le plus en accord avec le besoin exprimé. Une fois confirmée la possibilité de vous assurer, les comparateurs d’assurance vont mettre en évidence les points principaux qui différencieront les offres les plus compétitives, à savoir le coût, les garanties proposées, et les conditions d’indemnisation.
Leurs services sont 100 % gratuits, instantanés ou ultra-réactifs, sans aucune obligation d’engagement. Au-delà d’être un formidable outil permettant d’estimer le coût de son assurance décennale, de comparer les offres, et de pouvoir faire son choix directement, et bien qu’il soit très intuitif, ce type d’outil numérique peut parfois laisser dubitatif quant au choix à faire, sans intermédiaire physique pour y aider.
C’est pourquoi il peut être bon de compléter sa propre analyse par celle d’un courtier en assurance. Il est le professionnel du secteur par excellence, intermédiaire entre son client et l’assureur. Il dispose d’une connaissance de pointe de l’état du marché par ses interactions permanentes avec son portefeuille d’assureurs. Il est ainsi en mesure de comparer les offres avec le recul nécessaire, d’être vigilant aux éléments importants, mais aussi aux points souvent plus litigieux, comme les montants de franchise, le délai de carence, ou encore les plafonds d’indemnisation.