L’assurance décennale a été instaurée par la loi Spinetta, aux côtés de l’assurance dommage ouvrage, pour satisfaire à la garantie décennale des travaux du bâtiment.
En effet, la responsabilité du constructeur a été reconnue durant les dix années qui suivent les travaux, pour protéger le consommateur des malfaçons. Qu’en est-il de l’auto-entrepreneur ? A quel coût peut-il espérer garantir sa responsabilité décennale ? Réponse.
Qu’est-ce que la garantie décennale du professionnel ?
L’assurance décennale est obligatoire pour tout professionnel au profil de constructeur, et fort heureusement puisqu’elle garantit la réparation des dommages qui pourraient survenir sur un ouvrage durant les dix années qui suivent la réception du chantier, soit au lendemain de la signature du procès-verbal de réception des travaux, à compter du fait que les dommages subis engagent la solidité de la structure du bâti ou de ses éléments indissociables, ou le rende impropre à sa destination. En effet, sur tout chantier, le constructeur engage sa responsabilité à l’égard du maître d’ouvrage, mais aussi des éventuels acquéreurs successifs puisque, précisons-le, la garantie décennale est attachée au bien et non au propriétaire.
Se voit décerner le profil de constructeur, tout professionnel du bâtiment, intervenant dans l’un des secteurs suivants :
- Les métiers de la structure et du gros œuvre : Il s’agira des maçons, des charpentiers, des couvreurs, etc.
- Les métiers de l’aménagement et des finitions : Il s’agira là des électriciens, des menuisiers, des plombiers, des carreleurs, des chauffagistes, etc.
- Les métiers d’étude, de conseil et d’encadrement : Il s’agira enfin des architectes, des ingénieurs en bureaux d’études, des promoteurs immobiliers, des ingénieurs-conseils, des lotisseurs, etc.
A l’inverse, les professionnels du bâtiment qui réalisent des travaux d’ordre esthétique (aménagement, décoration, etc.) ne sont pas concernés par l’obligation d’assurance.
Pourquoi le fait de se protéger par des garanties est-il indispensable à l’auto-entrepreneur ?
La garantie décennale est avant tout une assurance obligatoire que le professionnel doit souscrire. C’est donc un très bon argument en premier lieu. A assurance obligatoire, sanction en cas de non respect de l’obligation. En effet, le défaut d’assurance peut coûter cher au professionnel. Reconnu comme une action volontaire de fraude, et non pas comme une simple omission, il exposera le constructeur à une peine civile et pénale, à savoir une amende de 75 000 € assortie d’une peine d’emprisonnement de 6 mois, avec tout de même une précision sur cette seconde sanction : un délai de prescription de trois ans s’applique, sauf si l’absence d’assurance a été volontairement dissimulée par le professionnel, par la présentation par exemple d’une fausse attestation d’assurance.
L’engagement de la responsabilité personnelle du professionnel
Au-delà de l’obligation légale d’être assuré, notons que l’auto-entrepreneur est bien plus exposé encore qu’une entreprise en termes de responsabilité. Pourquoi ? Parce que sa trésorerie est évidemment plus limitée. Son activité se « limite » à son seul savoir faire et à ses seules compétences. Ce n’est nullement péjoratif bien-sûr, ce n’est que la définition du statut de l’auto-entrepreneur.
Depuis 2016, un arrêté permet de mettre en cause la responsabilité personnelle du professionnel. Qu’est-ce que cela signifie ? Et bien que si le professionnel ne parvient pas à assumer les frais de réparation du dommage sur la trésorerie de son auto-entreprise, il devra les financer sur ses fonds propres. En d’autres termes, il devra déposer le bilan de son auto-entreprise, et s’endetter personnellement pour assumer les dommages et intérêts dus au maître d’ouvrage. Il devra peut-être alors vendre son bien immobilier, sacrifier le capital d’un produit d’épargne, ou en dernier recours, faire jouer l’hypothèque de son bien.
Les autres assurances que l’auto-entrepreneur doit ou peut contracter
Deux autres assurances sont obligatoires pour les professionnels du bâtiment. Ne pas les contracter expose aux mêmes sanctions précitées. Il s’agit de :
- La garantie de parfait achèvement : C’est une assurance obligatoire qui couvre l’ensemble des dommages, défauts et malfaçons relevés dans le procès-verbal, quels qu’ils soient, durant l’année suivant la livraison des travaux. Elle protège le client contre les malfaçons;
- La garantie biennale : Autrement appelée garantie de bon fonctionnement, elle garantit l’ensemble des équipements fournis à la livraison, dissociables d’un ouvrage durant les deux ans suivant la réception des travaux (revêtements de sol, portes, revêtements muraux, ou encore appareils électriques, etc.).
Intéressons-nous à l’assurance responsabilité professionnelle, plus couramment nommée RC Pro. Elle est facultative, ce qui reste relativement surprenant. En effet, lorsqu’elle est souscrite par le professionnel, elle couvre l’ensemble des dommages corporels, matériels ou immatériels occasionnés à des tiers en exerçant l’activité professionnelle, ou bien après livraison de produits se révélant défaillants. Autant dire que l’auto-entrepreneur a tout intérêt à souscrire cette assurance qui, certes viendra s’ajouter aux autres cotisations d’assurance, mais le protègera largement dans son quotidien.
D’autres assurances facultatives peuvent également être souscrites, cette fois-ci de manière plus spécifique, selon l’activité de l’auto-entrepreneur. Il s’agira par exemple de l’assurance multirisque spécifique au BTP, d’une assurance transport, ou autre.
Coût de la garantie décennale auto-entrepreneur : une histoire de statut, entre autres…
Le coût annuel d’une assurance décennale dépend de plusieurs facteurs, mais en premier lieu du statut du professionnel. Somme toute, c’est plutôt logique, puisque l’assureur couvre un risque qui doit être proportionnel aux travaux effectués. Donc plus l’entreprise réalise de chiffre d’affaires, plus elle intervient sur les chantiers, plus elle effectue de prestations, car plus elle a de personnel, donc potentiellement de risques à couvrir. L’auto-entrepreneur sera donc celui qui paiera le moins cher d’assurance décennale. A titre comparatif, le coût moyen de l’assurance décennale de l’auto-entrepreneur sera de 170 € par mois, contre en moyenne 375 € pour une entreprise au chiffre d’affaires inférieur à 250 000 €, et 420 € pour une entreprise affichant un chiffre d’affaires plus proche des 400 000 €, ou plus.
Au-delà du statut, le devis établi par l’assureur tiendra compte de l’ensemble des éléments suivants :
- Le chiffre d’affaires du professionnel, qui sera proportionnel au risque pris, en quelques sortes;
- L’expérience et l’ancienneté de l’auto-entrepreneur : Plus il est jeune et novice, plus le risque est important, du moins aux yeux de l’assureur;
- La sinistralité éventuellement connue du professionnel, et la sinistralité générale établie par des ratios de risques sur ce type de métier;
- La nature de l’activité principale, ou plus exactement le gros œuvre dont l’assurance sera plus onéreuse, puisque le risque pris en cas de sinistre coûtera plus cher à l’assurance;
- Les garanties souscrites, qui feront évidemment évoluer le tarif d’assurance, comme par exemple la protection juridique, ou la multirisques professionnelle.
Trois autres éléments viendront directement impacter le coût de l’assurance décennale, et c’est d’ailleurs sur ces seuls critères que le professionnel pourra tenter d’abaisser le coût de sa cotisation, mais gare à la couverture qui en ressortira.
- Les plafonds d’indemnisation, qui seront les montants maximaux que l’assureur prendra en charge, le reste des dommages à verser restant à la charge du professionnel. Mieux vaudra donc qu’ils soient suffisamment élevés pour apporter une couverture optimale;
- Les franchises, qui seront dues sur toute demande de prise en charge, selon la garantie à solliciter. Mieux vaudra qu’elles ne soient pas trop élevées pour ne pas conserver de reste à charge venant mettre en péril l’activité;
- Les délais de carence, soit le délai durant lequel le professionnel s’acquitte de sa cotisation mensuelle, mais sans qu’aucune prise en charge ne soit rendue possible par l’assureur.
Attention toutefois, en souhaitant minimiser la couverture pour payer moins cher d’assurance, à ne pas brader la garantie de sa responsabilité. L’auto-entrepreneur joue là la pérennité de son activité, qui est déjà un parcours du combattant à établir, et qui demande un investissement personnel et de nombreux sacrifices, notamment de temps, pour démarcher des prospects et se faire son réseau, mais aussi continuer à se former, s’approvisionner en matériel et équipements, etc. Les assurances protègent les professionnels, qui ne sont nullement à l’abri d’une erreur, d’une malfaçon parfaitement involontaire, favorisée par un emploi du temps chargé, des chantiers qui ont pris du retard, une météo défavorable, un état des lieux imprévu, etc.